Koinobori, le mariage réussi d’une carpe et d’un samouraï !
Vous êtes amoureux du Japon, n’est-ce pas ? Vous avez donc déjà sûrement vu, en vrai ou en photo, un de ces poissons de tissu qui ondule gracieusement dans le vent de l’archipel ? Quand le mois de mai pointe son nez, ce valeureux poisson se multiplie miraculeusement comme des grains riz jusqu’à envahir joyeusement tout le pays. Mais comment ce lointain aïeul du poisson rouge a-t-il pu conquérir le cœur de tous les japonais, et le vôtre sûrement aussi ? Voici la véritable histoire du koinobori !
CHINOISERIES
Elle apporte cette touche si paisible aux jardins japonais, elle confère ce calme olympien aux bassins d’ornement, elle nous apaise quand on la regarde nager sereinement dans son étang. Oui, c’est bien elle, la carpe de brocart, de son petit nom chinois «jinli», «nishikigoi» en japonais.
Avec une taille de 80 cm de long et un poids de 7 kg, les plus belles carpes koi n’ont rien à envier aux sumo et malgré leur sérénité légendaire, ces carpes sont plutôt sportives comme le narre la légende chinoise «Les carpes franchissant Longmen»:
Encre «Longmen Carp» Ito Jakuchu
«A chaque troisième lune du calendrier lunaire, au moment de la saison des pêchers en fleurs, lorsque le fleuve Jaune commençait à dégeler, les carpes quittaient la mer orientale, remontaient le cours d’eau supérieur du fleuve et se rassemblaient à Longmen, la porte du dragon. Là, l’Empereur Céleste organisait un concours pour le franchissement de la porte. Les carpes qui réussissaient étaient changées en dragons par l’Empereur Céleste et celles qui avaient échoué, devaient regagner la mer de l’Est pour revenir tenter leur chance l’année suivante.»
Et c’est pour ça qu’en chinois, on utilise l’expression « deng Longmen », « franchir la passe du dragon », pour parler de quelqu’un qui a réussi dans sa carrière professionnelle, c’est dire si la carpe est symbole de persévérance !
Photo via https://hiveminer.com
UN ALLER SIMPLE BEIJING / TOKYO
Une petite invasion chinoise par-ci, quelques échanges et rivalités musclées par-là, de la Chine au Japon, les carpes n’ont eu qu’un bras de Mer à franchir pour se retrouver à orner les bannières des guerriers samouraï et devenir une star au pays du soleil rouge !
Symbole de courage et de persévérance, quel autre animal que la carpe pouvait le mieux matérialiser le vœu que les parents forment à la naissance de leurs enfants : qu’ils vivent longtemps et en bonne santé ?
Et voilà déjà les meilleurs artisans japonais au travail : de tissu ou de papier, le grand poisson noir Magoi sera le père. A ses côtés, toute de rouge vêtue, viendra Higoi, la mère. Puis, dans l’ordre décroissant de leur âge, s’aligneront toutes leurs progénitures colorées.
Et chaque année, le 5 du mois de mai (date du début de l’été dans l’ancien calendrier lunaire), toute cette joyeuse famille, suspendue dans les airs, dispensera ses meilleurs vœux de bonheur à tous les enfants japonais. Ainsi sont nés les koinobori, ces banderoles de carpes devenues à leur tour l’un des plus beaux symboles du Japon.
Illustration Okamoto Kiichi
TANGO NO SEKKU, KODOMO NO HI, PARLEZ-VOUS JAPONAIS ????
Autrefois en Chine, les gardes impériaux avec leurs armures, leurs arcs et leurs flèches avaient fière allure et bonne presse, tellement bonne d’ailleurs, qu’on leur avait dédié une fête spéciale pour les célébrer : Tango no sekku.
Quelques nouvelles rivalités sino-japonaises plus tard, cette fête fut introduite au Japon et transformée à l’époque Edo (1603-1867) en Fête des garçons, pour encourager les bambins à devenir des hommes forts et braves !
Estampe Takeuchi Keishu
Et les filles alors ? Elles ont aussi leur fête, Hinamatsuri, le 3 mars tous les ans. Mais en 1948, le gouvernement japonais a décidé que ce serait une bonne idée de célébrer le bonheur de TOUS les enfants, filles et garçons, le même jour. « Tango no sekku » est donc devenu « Kodomo no hi », la Fête des enfants, célébrée tous les ans, le 5 mai.
Photo Jarinko via snapdish.co
Les japonais commencent les festivités dans le courant du mois d’avril et vivent à l’heure du koinobori jusqu’à début mai. Des milliers de koinobori sont suspendus à travers tous le pays, à l’école, les enfants dessinent, découpent, peignent des koinobori, dans les bento, sushi, omelettes, onigiri, sont confectionnés façon koi, les pâtissiers célèbrent eux aussi le bonheur des enfants et on voit même des animaux de compagnie affublés de petits costumes à l’effigie des koinobori !
Le Japon est à la fête, les koinobori inondent le pays pour le plus grand bonheur des enfants (et de leurs parents :) et c’est somptueux !
Et dans nos contrées occidentales, avons-nous aussi un animal dont la symbolique rayonne autant que celle de la carpe nippone ?
(Photo du koinobori Arc-en-ciel Madame Mo @olivier_cochard)